Colloques et journées des CESU

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  • Pleine conscience : de la réflexivité individuelle à la réflexivité collective

    La cognition renvoie « au processus par lequel des systèmes naturels […] acquièrent des informations sur leur monde, en construisent des représentations, les transforment en connaissances par des opérations spécifiques, puis les mettent en œuvre dans des activités, des comportements ou des fonctionnements ». Lors des environnements contraignants, comme une situation de crise, les défauts de cognition en situation constituent un enjeu de performance et de sécurité des systèmes humains mais aussi un enjeu de santé au regard des conséquences d’une décision mal appropriée, comme c’est particulièrement étudié dans le champ des erreurs médicales mais aussi de la blessure morale du soignant.

    Ces éléments ciblent la question de la subjectivité comme obstacle à une cognition ajustée permettant le discernement des réflexions/discussions à visée d’un intérêt général. Cette subjectivité fait particulièrement référence aux biais cognitifs. Ces derniers surviennent lorsqu’un individu, confronté à une situation, fait appel à une heuristique – une règle mentale rapide – au lieu d’un raisonnement logique, ce qui l’amène à former une croyance erronée. En contexte clinique, ces biais peuvent affecter la délibération éthique et les décisions, notamment dans les dilemmes complexes. Les biais cognitifs, loin d’être de simples erreurs, peuvent être compris comme des adaptations de notre cognition à certaines contraintes. Toutefois, ils peuvent limiter la capacité de discernement au service du bien collectif.

    La pleine conscience, traditionnellement associée à un recentrage individuel, peut constituer un levier pour limiter l’impact de ces biais. Elle se définit comme une attention ouverte, curieuse et non jugeante à l’instant présent. En renforçant la capacité d’observation de soi, elle permet une réflexivité incarnée : l’individu devient conscient de ses schémas mentaux, émotionnels et comportementaux. Ce processus ouvre un espace de liberté intérieure propice au discernement dans la prise de décision.

    Cette réflexivité individuelle que permet la pleine conscience peut être partagée au sein d’un groupe. Elle devient alors réflexivité collective qui soutient une capacité à interroger ensemble les dynamiques, croyances et pratiques du collectif. Elle s’appuie sur des postures d’écoute, de présence et de lenteur, rendues possibles par la pleine conscience individuelle de chacun.

    Nous proposons d’interroger comment la pleine conscience peut devenir un enjeu de réflexivité individuelle et collective dans les équipes de soins, afin de mieux gérer les biais cognitifs et favoriser un « prendre soin » plus juste et lucide.