Réflexivité : une intelligence non artificielle accessible à tous ?
La philosophie n’est pas une matière, elle est une attitude qui se met en action dès lors qu’un phénomène se manifeste. Elle est ce « pas de côté » qui permet d’allier la théorie et l’expérience. C’est en cela que la philosophie peut participer en interdisciplinarité à se questionner autour de la thématique proposée puisque lorsque se produit un événement, il est important, dans un « après–coup » de s’interroger sur l’évènement lui-même et l’action mise en œuvre. La réflexivité n’est-elle pas en cela « le temps d’après de l’action » ? Mais la réflexion est à différencier de la réflexivité. Ainsi, lorsqu’on parle de « réflexion », l’objet de pensée est extérieur à nous et se présente sous la forme de multiples questionnements ; lorsque nous parlons de « réflexivité », il semblerait que « l’objet » de pensée soit notre propre « sujet » dans ce qu’il a de plus complexe. Comment se manifeste cette « réflexivité » dans une situation d’urgence ? Existe-t-il une « temporalité » de la réflexivité » ? S’agit-il d’une confrontation – au sens littéral du terme – ou d’une expérience du « penser contre soi-même »,véritable expérience de « dialogue avec soi » comme le disait Hannah Arendt ?
Si la réflexivité est une intelligence non artificielle, encore faut-il que nous puissions faire « inter-legere », c’est-à-dire que nous puissions avoir conscience de l’action que nous menons en « faisant liens et sens », en « recueillant » les éléments de l’expérience, que cette dernière soit extérieure ou intérieure à nous-même, ce que l’artificialité ne permet pas. C’est également la question que se posait Henri Bergson dans son ouvrage L’Énergie spirituelle en 1911 : « Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire. » Si notre conscience se retire de nos actions, alors nous ne « choisissons pas d’agir », nous agissons sans réfléchir et sans pouvoir mettre en œuvre les futures situations qui se présenteront à nous. Ce que Bergson appelle « la mémoire et l’anticipation ».
Ainsi, pour que l’action qu’est la réflexivité se fasse jour dans tous les esprits, faut-il qu’elle soit incluse dans les apprentissages comme un exercice de pensée– penser –, comme capacité à se poser des questions, à les reformuler au besoin avec le concours d’autrui ? Faudra-t-il pour cela accepter que la réflexivité soit un inconfort psychique et une déstabilisation des certitudes ? La pensée étant elle-même un déséquilibre permanent qui se joue dans tout acte de réflexion.

